CONFÉRENCE « NAPOLÉON ET L’ALSACE »
Pourquoi la personnalité de Napoléon a-t-elle résonné à ce point dans le cœur et dans l’âme de la population alsacienne longtemps après cette période d’une quinzaine d’années durant laquelle le Premier Consul puis Empereur a marqué de son empreinte l’Europe toute entière ? Pourquoi tant d’Alsaciens ont-ils répondu favorablement à la conscription pour former la Grande Armée ? N’est-on pas autorisé à parler d’amour – réciproque – quand on sait que 70 généraux et maréchaux de Napoléon étaient d’origine alsacienne ? Telles étaient quelques-unes des questions que François UBERFILL a posées en préambule à son exposé sur « Napoléon et l’Alsace » devant un public aussi nombreux qu’attentif !
Le culte des « Grands Hommes » certes bien ancré dans le tempérament alsacien, le goût de l’ordre, le sens de la discipline ne sauraient à eux seuls expliquer l’enthousiasme de la population lors des nombreux passages de Napoléon à Strasbourg : en 1805, par exemple – sympathique cadeau à Napoléon que le Palais des Rohan lors de cette visite ! –, en 1806 – édification d’un arc de triomphe pour son passage lors de son retour d’Austerlitz – en 1809 encore. En mars 1810, à l’occasion de l’entrée à Strasbourg de Marie-Louise, c’est une fête grandiose, 8000 figurants, 200 000 spectateurs, qui est organisée en l’honneur de Marie-Louise d’Autriche, en route vers Paris pour y faire connaissance de son époux : la raison du cœur s’incline devant la raison d’État… Avec le nouveau régime, ce sont de grandes décisions politiques, c’est la nomination d’un nouveau personnel politique, compétent et dynamique, c’est un élan donné à l’économie, à l’agriculture, au réseau routier … tout ce que la Restauration ne saura pas faire fructifier… qui forgeront l’image de Napoléon dans la mémoire collective alsacienne.
Jean-Pierre SAURINE, évêque de 1802 à 1813 |
Adrien de Lezay-Marnésia, Préfet de 1810 à 1814 |
Parmi les décisions politiques qui ont créé les conditions d’une pacification religieuse, François UBERFILL met en exergue le Concordat de 1801 « …la religion catholique est la religion de la majorité des Français… » (exit la religion d’État), suivi des Articles organiques de 1802 à destination des Protestants, ceux de 1808 à l’égard des Juifs (qui ne fera guère évoluer un antisémitisme rampant en Alsace). Les Alsaciens avaient adhéré aux principes de la Révolution, mais la Terreur puis le Directoire ont refroidi leur ardeur. Dans les paroisses, les catholiques avaient mené la vie dure aux prêtres constitutionnels. Cela n’empêchera pas cependant Napoléon de nommer comme évêque de Strasbourg, de 1802 à sa mort en 1813, Mgr Saurine, lui-même ancien prêtre constitutionnel, franc-maçon, qui a résisté aux pressions du Pape – ce n’est pas très bien vu en Alsace – mais qui a juré fidélité à l’Empereur. Le Concordat avait certes pour but d’apporter une certaine paix religieuse, mais aussi de mettre le clergé sous le contrôle de l’État.
Parmi les trois préfets du Bas-Rhin de la période Napoléonienne, c’est incontestablement la figure de Lezay-Marnésia qui reste dans les mémoires. Nommé en 1810 par Napoléon, c’est un homme de dossier mais aussi un homme de terrain qui travaille à améliorer la vie du monde rural. Il développe la culture de la betterave sucrière, du houblon, du tabac… interdit le transport du fumier les jours de chaleur (hygiène !)… Il créera la première École Normale en Alsace. Un tragique accident de calèche en octobre 1814 lors d’une tournée dans le Nord de l’Alsace mettra fin à une action unanimement considérée comme positive pour le peuple.
Pavillon Joséphine à l'Orangerie lors de sa construction en 1804 | Mariage de Napoléon et de Marie-Louise d'Autriche en 1810 |
La période napoléonienne en Alsace est vécue comme une période de prospérité. Le « Franc Napoléon » est solide, l’agriculture est prospère, l’élevage aussi, comme en témoignent les concours agricoles, il y a des débuts d’industrialisation (création des « Forges du Bas-Rhin », les cotonnades, les manufactures de tabac, les manufactures sucrières).
Bien sûr la restriction des libertés, les défaites et la fin tragique du règne en 1814 – 1815, le coût humain des guerres napoléoniennes terniront le tableau. Mais ce sont les aspects positifs, le retour de l’ordre, la pacification des esprits, la prospérité des campagnes et l’essor du commerce que voudront retenir les générations ultérieures. Il est vrai que la légende napoléonienne forgée durant les années de l’exil à Sainte-Hélène fera le reste dans la mémoire collective.
Un grand merci à François UBERFILL pour cet exposé une fois de plus passionnant, le public en redemande !...
François GENEVAUX
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Le franc Napoléon en 1803 |
Statue de Lezay-Marnésia (Petit-Broglie) Sculpteur : Gass - 1856 |